Islam en Italie : perception et identité
« Islam italien » |
Contrairement à d'autres pays européens où l'islam s'est établi avec une immigration qui eut lieu beaucoup plus avant qu'en Italie, l'étude sur les musulmans italiens concerne forcément de façon presque exclusive les jeunes, parce qu'ils sont la première génération de musulmans nés et grandis en Italie, fils d'immigrés établis sur le sol italien.
Quand on parle de « islam italien », en fait, c'est à ces derniers qu'on se réfère. En conséquent, c'est sur les jeunes qu'il faut enquêter pour comprendre le sort de l’islam italien, l’appartenance, l’insertion socio-culturelle et le rôle des musulmans dans la société. Les jeunes musulmans italiens se confrontent aux autres musulmans européens, en cherchant à garder leur rythme, mais avec un passé trop court pour avoir déjà fait les revendications que dans les autres pays ont été déjà faites par les générations précédentes, et ils se trouvent ainsi devant une série de revendications « accumulées » à faire pour bénéficier de la liberté de culte énoncée par la Constitution et pour faire valoir leur voix. Qu'en est de l'identité des jeunes musulmans?L'identité n’est pas quelque chose que l’on construit de façon individuelle ou à l’intérieur d’une communauté donnée indépendamment de notre entourage. Elle est, par contre, fortement influencée par d’autres facteurs, parmi lesquels les médias. L'identité des jeunes musulmans est créée aussi par l’image à laquelle ils veulent s’opposer.
La religion est devenue pour beaucoup de ces jeunes aussi un point marquant (pas le seul) de leur identité. Après le tragique évènement du 11/09 l'islamophobie a augmenté dans les dernières deux décennies. Les moyens de communication de masse mentionnent très souvent le « fondamentalisme islamique » en stigmatisant ainsi toute une partie de la société multiconfessionnelle européenne sans prêter attention aux vies quotidiennes des musulmans européens. Les jeunes musulmans italiens aussi subissent ces processus de stigmatisation et souvent leurs identités se forment en réaction à ces représentations négatives. Après cette croissance d’évènements d’islamophobie, il semble qu’un nouveau sens d’un « nous » collectif soit émergé dans la communauté des jeunes musulmans, en conséquent d’une recherche d’un sens à la vie pour se donner une identité plus forte et pour s’opposer à la vulnérabilité, exclusivité et incompréhension de la part de la plupart de la société. Les médias, en fait, sont considérés comme responsable des stéréotypes sur les musulmans, ce qui rend l’intégration dans la société encore plus difficile. La construction d’une identité religieuse
Malgré les différentes origines ethniques et les différentes langues, les musulmans italiens ont une sensation d’identité partagée avec l’Islam que l’on considère comme le pont le plus significatif parmi ces différentes communautés. Comme l’on constate dans l’étude Young Muslims in Italy, cette identification religieuse qui devient plus solide, en même temps affaiblit une autre identification, celle ethnique. L'identification avec l’Islam, en fait, est ressentie comme plus marquée que celle avec un groupe ethnique donné. La plupart des Italiens musulmans interviewés affirment que même s’ils visitent régulièrement leur pays d’origine, ils se sentent des étrangers dans les deux pays. Beaucoup d’Italiens d’origine marocaine ne se sentent ni l’un ni l’autre. La religion, pour ces jeunes, paraît satisfaire le désir de trouver un sens moral et une place dans le monde, elle leur offre une sensation de stabilité ( on peut l’appeler « stabilité identitaire » ) et un encadrement où se reconnaitre. Il faut préciser que cette « rébellion de l’esprit » et cet engagement bien sûr ne concerne pas la totalité des jeunes musulmans, peut-être que cela ne concerne que moins que la moitié, mais il est important de le remarquer parce que c’est une attitude qui s’est relevée toujours plus significative d’année en année. |
"Invasion islamique" : les italiens effrayés et mal informés
La présence musulmane en Italie est objet de vifs débats politiques et sociaux. Selon une recherche de l’Institut PEW, le sentiment anti-islamique est en croissance, les deux tiers de la population italienne se déclarent peu favorables à la présence musulmane. Les opposants croient en l'incompatibilité des communautés musulmanes soit avec les valeurs de la laïcité, bien que les valeurs chrétiennes de la majorité des Italiens. Certains dénoncent même l'existence d'une vraie "invasion islamique", qui met en danger la société italienne. Si on tient compte du fait que les musulmans en Italie ne représentent que 4% de la population, que la communauté musulmane la plus nombreuse est celle italienne (des étrangers naturalisés et des italiens convertis), qu'en termes géographiques ils sont distribués surtout au nord de l'Italie (Lombardie, Piémont, Emilia-Romagna et Vénéto) et que le nombre des musulmans en Italie pourrait augmenter jusqu'à arriver à représenter 6-8 % de la population, pour puis rester stable, on peut dire que l'hypothèse d'une "invasion islamique" n'a pas de fondements. En fait selon un sondage réalisé par la société Ipsos-Mori, les Européens en général, et les Italiens, Français et Belges en particulier, tendent à surestimer le numéro des musulmans qui vivent dans le continent. Selon les chercheurs de PEW, l'Italie devrait passer des 2,5 millions de musulmans résidant actuellement en 2016 (4% de la population) à près de 3,6 millions en 2030 (soit 6,2% de la population totale), mais ce pourcentage à long terme est destiné à se stabiliser sur des pourcentages allant de 8-9% pour l'année 2050. Les données réelles réfutent donc catégoriquement l'hypothèse selon laquelle l'Italie serait une terre d'"invasion islamique". Pourtant, selon une étude réalisée en décembre 2016 par l'Institut IPSOS MORI, les Italiens estiment la présence musulmane à 20%, soit cinq fois leur nombre actuel. Avant même d'être effrayés ou méfiants, les Italiens semblent donc mal informés. Les raisons en sont multiples : de la simplification de la narration du phénomène par les médias, à l'accent mis sur les flux migratoires en provenance des pays islamiques, tout cela accompagné du manque de connaissance empirique du phénomène décrit. |